Jean-Charles Skarbowsky en transit sur Paris
Interview
Par Vincent Dao le vendredi 22 octobre 2004


Jean-Charles Skarbowsky : J’ai 79 combats à mon actif. 65 victoires, dont 50 par KO, 13 défaites et 1 match nul. J’ai été N°1 du « Radja » en 2002 et champion d’Europe 1995.
Tu vis en Thaïlande depuis plusieurs années maintenant, que retires-tu de ta vie là-bas ?
C’est une excellente expérience, j’ai appris beaucoup de choses. Cela m’a apporté de la maturité. De plus j’y ai rencontré ma femme.
Comptes-tu t’installer définitivement là-bas ?
Je pense que pour l’éducation de mes enfants, je reviendrai en France. Aussi pour ma mère qui est seule ici puisque je suis fils unique. J’aimerais que mes enfants soient sur la même longueur d’onde culturelle que moi. Les débouchés aussi sont plus importants ici.
Comment se passe ta vie là-bas ? Peux-tu nous décrire une journée type pour toi ?
Ma vie est rythmée par les combats. Lorsque j’ai un combat 3-4 semaines avant je me prépare. Je m’entraîne, je me repose énormément (10 heures de sommeil par jour). Lorsque je ne suis pas allongé je fais un footing ou je fait du « pao ». Tout est construit autour du combat : les repas que je dois prendre, les régimes que je dois faire. Je me renseigne au niveau diététique, des vitamines. Je fais 1 à 2 footing par jour : le premier à 6h du matin le ventre vide. Le 2ème footing avant l’entraînement de l’après–midi. Les 3-4 derniers jours je les consacre à la perte de poids. Je suis au même rythme que les Thaïlandais. Sauf que j’y mets plus de passion que certains.
Comment se déroule ton entraînement ? As-tu un entraîneur personnel ?
Je m’entraîne au Jocky Gym. Le matin je fais du pao avec Krongsak Lek. Il m’entraîne depuis un an, alors qu’avant je me contentais surtout de courir le matin et de taper un peu au sac. Plus tu viens et plus tu montres que tu es sérieux, plus les gens viennent t’aider. Alors qu’au début on a l’impression d’être seul, tout le monde nous regarde nous entraîner. Ça leur fait plaisir de voir qu’on vient pratiquer un sport qui pour eux est surtout un gagne pain. Ça les fait halluciner qu’on paye un billet, qui représente la paye de 4-5 combats, pour venir se taper dessus.
Comment se déroule tes journées quand tu ne prépares pas de combat ?
Je reste beaucoup avec ma femme. Je m’intéresse à la culture thaïlandaise qui me passionne, j’ai découvert une culture intéressante, enrichissante au niveau de la manière de gérer sa vie. C’est complètement différent.
Tu as épousé une Thaïe, tu as donc dû très certainement épouser une partie de la culture Thaïe. Pourrais-tu nous en dire plus sur les tatouages qui recouvrent ton dos ? Que représentent-ils pour toi ?
Pour moi cela représente mon amour pour la Thaïlande et sa culture. « J’aime » le maître qui m’a fait ce tatouage, j’ai eu un bon rapport avec lui dès le début. C’est spirituel. Ce n’est pas qu’un tatouage, il me transmet un pouvoir. Lorsque le maître trempe son aiguille, il te fait le dessin puis il te met un masque d’une divinité brahmanique, qui est antérieur au bouddhisme. Ensuite, il fait rentrer l’esprit de la divinité dans le tatouage. Cela te procure une protection et de la chance. Les Thaïs y croient fortement et moi aussi. Donc lorsque j’ai rencontré le maître tatoueur, qui tatoue 50 à 100 personnes par jour, j’ai eu comme un coup de foudre. Au début j’avais du mal à y croire et il m’a fait un tatouage à l’huile et j’ai remarqué que j’avais des coups de chance. Donc j’y suis retourné et j’ai encore eu des coups de chances…
En plus à chaque fois que je venais il me disait des choses sur moi.

En Thaïlande comme en France. Cela représente une partie de l’honneur, de la bravoure, de l’orgueil ne serait-ce que pour monter sur le ring. C’est aussi l’école de l’humilité car en arrivant dans une salle vous souffrez, vous voyez que vous n’êtes pas bons, qu’il y a du travail. Il y a aussi la rigueur.
Par la suite ce sera à nous de transmettre ces valeurs aux autres.
Ressens-tu ça en tant qu’étranger, est-ce universel ?
Ça devrait l’être en tout cas. Chacun prend ce qu’il veut dans le Muay thaï et donne ce qu’il a à donner. Il y a des choses immuables comme la rigueur, mais tout dépend ce que tu recherches : si tu veux combattre un peu, si tu veux être champion…
Maintenant tu es l’un des Nak Muay « phalang » les plus connus en Thaïlande, qu’est-ce que cette notoriété a changé pour toi là-bas ?
C’est toujours un plaisir quand quelqu’un vous reconnaît. Je suis assez fier de cela. C’est un peu comme un rêve devenu réalité. J’étais à l’opposé de tout ça à Paris, je me sentais enfermé. Les Thaïs sont souriants, accueillants mais ils sont chauvins. Ils doivent être champions dans leur sport. Mais je suis bien accueillis quand même partout.
As-tu bien intégré les codes sociaux de là-bas tel que l’attitude vis-à-vis des aînés?
Oui je les ai bien appris. Parfois je me laisse aller à mon ancienne mentalité. Mais comme ils sont tolérants, surtout envers un blanc qui fait des efforts, ça passe. C’est important pour moi de pouvoir évoluer aussi en société, de connaître la mentalité thaïe. Et cela je le dois à des rencontres, sinon je serais peut-être encore comme certains à n’être qu’avec des occidentaux et à parler aux Thaïs en anglais.
Faisons un bond dans le temps, comment as-tu commencé le Muaythaï ?
J’ai commencé à 16 ans, sous la direction d’André Zeitoun qui était mon entraîneur et manager.
Quels ont été tes modèles ?
Ramon DEKKER, Saïmaï, Dany BILL. DEKKER était le meilleur, il allait en Thaïlande affronter des combattants qui faisaient le même poids, à 2-3 kilo près donc ça va. Contrairement à Rob KAMAN qui avait 7-8 kilo d’écart avec ses adversaires.
Quel est ton meilleur souvenir de boxeur après toute ses années?
C’était en Thaïlande quand j’ai soulevé la photo du roi après mon combat contre RAMBO TWO (en photo) et que j’ai fait le tour des 4 coins.
Et ton pire ?
C’était il y a 2 semaines en Nouvelle-Zélande contre CHAPMAN. Mon adversaire avait 5 kilos de trop, je suis arrivé à 1 heure du matin pour boxer le soir même. J’ai couru après lui pendant 5 rounds.
Pour en revenir à ton actualité, peux-tu nous parler de tes dernières sorties qui étaient au Japon et en Nouvelle-Zélande ?
En avril, j’ai boxé Samir « le petit prince ». Ensuite j’ai fait trois combats dont 2 au Japon. L’un d’eux était en ouverture du K-1 contre un Thaï, Chalermsak CHUWATTANA. Il est très fort, et il m’a surpris par sa maîtrise des poings. A mon autre sortie j’ai mis KO MASAKI au deuxième round sur un front kick au visage.
De retour en Europe, tu vas boxer dans la Super League, qu’en penses-tu et que représente-t-elle pour toi ?
La première fois que j’ai entendu parlé de la Super League c’était il y a un mois. Mais je suis content de boxer là car ça semble être un truc sérieux qui se déroule dans toute l’Europe et j’espère que ça va bien se passer. Par contre je devais boxer en 67-68 kg et deux semaines avant on m’a annoncé que c’était en 70 kg et je n’ai pas osé dire non. Donc je me retrouve un peu piégé, mais c’est la dernière fois. C’est un système de tournoi avec un combat par soir.
Avec ton impressionnant parcours, quels challenges te motivent encore ?
Mon plus grand challenge est de continuer ce que j’ai commencé. Mon rêve était d’être boxeur professionnel donc maintenant faut que j’assume pour que ça continue. J’ai 29 ans et d’ici 32-33 ans je continuerai à fond.
Aimerais-tu ajouter quelque chose ?
Oui j’aimerais remercier tout ceux qui aiment la boxe thaïe, qui viennent aux combats et qui viennent sur Samouraitv. Je voudrais remercier ceux qui m’ont aidé, à savoir : ma mère qui a toujours été derrière moi, ma femme, mon ami Nicolas Subileau. Mes entraîneurs du début, André Zeitoun, Medhi, Bernard, mon kiné Jean-Luc Caumont sans qui je n’aurais pas pu avoir cette carrière. Un grand merci à ceux qui ont cru en moi.
As-tu un mot à dire à tes fans internautes ?
J’espère que je ne vous décevrai pas dans les années à venir, que l’on se reverra dans 2-3 ans ici ou en Thaïlande. Vous qui aimez le Muaythaï, il ne faut pas hésiter à en faire. N’attendez pas trop d’argent car ça n’arrivera pas, donc vous serez déçus. Même si j’ai été champion du monde je n’ai pas fait fortune.
Merci Jean-Charles pour cette interview et bonne chance pour la suite de ta carrière.
Merci à vous, merci à Samouraitv
Bien entendu, nous continuerons à suivre de près la carrière de Jean-Charles Skarbowsky et nous vous tiendront très rapidement au courant de ses combats.
Vincent Dao.